LES REPONSES AUX QUESTIONS QUE VOUS VOUS POSEZ SUR LA VACCINATION ANTI-COVID EN JANVIER 2021 ?
Eclairages en 15 questions / réponses
Dr Marina Karmochkine, Interniste au CIEM, spécialiste en Immuno-Infectieux

Avec près de 10 % de la population mondiale infectée par SARS-CoV2 et plus de 1,7 millions de morts de la Covid dans le monde, l'arrivée des vaccins apporte une bouffée d'optimisme afin d'endiguer la pandémie, en l'absence de traitement curatif découvert à ce jour. L'objectif actuel de la vaccination est de réduire les formes graves : diminuer le nombre de morts et d'hospitalisés. En France il n'y aura pas d'obligation vaccinale. Le CIEM a souhaité faire bénéficier ses adhérents de l'état actuel des connaissances sur les vaccins en ce début d'année - sachant que les données publiées évoluent rapidement !

1/ Que sont les vaccins en général et leurs phases d'étude ?

Les vaccins sont composés de substances capables de stimuler la production de défenses immunitaires (anticorps et lymphocytes mémoires). On en distingue plusieurs types :

Les vaccins classiques :

  • Les vaccins vivants atténués (BCG, rougeole, oreillons, rubéole, varicelle), constitués de virus ou de bactéries qui ont été modifiés pour perdre leur pouvoir infectieux.
  • Les vaccins inactivés constitués soit des fragments de l'agent infectieux (poliomyélite, grippe, hépatite A), soit de la totalité de l'agent infectieux inactivé (leptospirose, rage). Nécessitent la présence d'un adjuvant (aluminium le plus souvent) pour amplifier la réponse immunitaire.

Les vaccins modernes :

  • Les vaccins dits recombinants produits par génie génétique. Fractions antigéniques : anatoxine (coquelucheux acellulaire, diphtérie, tétanos) ; polyoside (Haemophilus influenzae B, typhoïde, méningocoques A C W Y, pneumocoque) ; autres protéines (hépatite B, papillomavirus, méningocoque B).
  • Les vaccins à vecteurs viraux : insertion du génome du pathogène au sein d'un vecteur viral inoffensif pour l'humain (adénovirus par exemple), réplicatif ou non réplicatif.
  • Les vaccins à acides nucléiques ADN et ARN messager (ARNm). Ils contiennent les instructions génétiques (ARNm) pour produire une protéine à laquelle le système immunitaire va réagir en produisant des anticorps et des lymphocytes T. L'ARNm ne pénétrant pas dans les noyaux, il ne risque pas de s'intégrer dans notre génome. Ils ne contiennent pas d'adjuvant. Jusque-là les vaccins ARNm n'avaient pas dépassé la phase 1 (zika, grippe, rage, cytomégalovirus).

Les 4 phases d'étude des médicaments ou des vaccins :

  • Phase 1 : tolérance, 1ère administration chez l'humain
  • Phase 2 : Etude de doses
  • Phase 3 : Efficacité et sécurité au cours d'études incluant un grand nombre de personnes, le plus souvent contre un placebo, permettant l'obtention d'une AMM (Autorisation de Mise sur le Marché)
  • Phase 4 : Suivi long terme de pharmacovigilance

2/ Quels sont les vaccins anti-COVID ?

Près de 200 vaccins en cours d'étude, appartenant aux différentes classes de vaccins exposés ci-dessus, 6 candidats vaccins précommandés par l'UE, 4 technologies différentes :

  • ARN messager : Pfizer-BioNTech « Comirnaty° » (conservation -80°, 2 doses à 21 jours) a obtenu l'AMM après étude de 40 000 personnes ; Moderna (conservation -20°, 2 doses à 28 jours) dont l'AMM est prévue mi-janvier 2021 ; CureVac (conservation réfrigérateur, 2 doses à 28 jours) en phase 2.

L'ARNm code pour la protéine Spike (S) de SARS-CoV-2 qui permet au SARS-CoV2 d'entrer et d'infecter les cellules. L'ARNm est enveloppé d'une couche de nanoparticules lipidiques protectrice. Après injection vaccinale, l'organisme produit la protéine S et l'organisme vacciné développe des anticorps anti-protéine S, qui, en cas de rencontre avec le coronavirus permettront de bloquer l'entrée du virus dans les cellules. Après lecture par les ribosomes et synthèse de la protéine S, cet ARNm est détruit et éliminé.

  • Vecteur viral recombinant (Adénovirus recombinants rendus inoffensifs dans lequel on insère un morceau de code génétique du SARS-Cov2 codant pour la protéine Spike) : Astra Zeneca-Oxford (conservation réfrigérateur entre 2 et 8°, 2 doses à 28 jours) dont l'AMM est prévue fin janvier 2021, Johnson et Johnson (conservation 2 ans -20°, 3 mois 2 à 8°) étude de phase 3 en cours auprès de 9 0000 participants, Spoutnik (russe).
  • Virus inactivé : CoronaVac (laboratoire chinois Sinovac) 91 % efficacité, données non publiées, conservation en réfrigérateur standard, serait 20 fois moins cher.
  • Vaccin sous unitaire à protéine recombinante : Sanofi-GSK : protéine S injectée avec adjuvant (conservation au réfrigérateur), en Phase 2.

3/ Quels sont les effets secondaires connus à ce jour des vaccins ARNm ?

Principalement rougeur au point d'injection, fatigue, maux de tête, fièvre, frissons. Ils sont plus fréquents après la 2ème dose. Quatre cas de paralysie faciale régressive. Deux cas de réaction allergique chez des personnes aux antécédents d'allergies graves.

4/ Les personnes allergiques peuvent-elles se faire vacciner avec le vaccin ARNm de Pfizer-BioNTech ?

L'HAS recommande d'éviter le vaccin chez les personnes présentant des antécédents d'allergies graves de type anaphylactique, dans l'attente de données complémentaires. Les réactions allergiques qui ne relèvent pas de l'anaphylaxie (par exemple, allergies aux animaux de compagnie, au venin, au pollen, au latex, aux autres médicaments) ne constituent pas une contre-indication à la vaccination par le vaccin Pfizer-BioNTech. L'administration du vaccin doit avoir lieu dans un établissement capable de gérer une réaction d'hypersensibilité immédiate grave. Les personnes vaccinées doivent être observées pendant 15 minutes. En cas de réaction anaphylactique après la 1e dose, la 2e est contre-indiquée.

5/ Y a-t-il d'autres contre-indications ?

La grossesse, l'allaitement, un projet de grossesse dans les 3 mois.
Trouble sévère de la coagulation (mais un traitement anticoagulant bien équilibré n'est pas une contre-indication).
Maladie auto-immune en poussée.

6/ Quels sont les résultats d'efficacité connus à ce jour, les questions encore non résolues ?

Pour les 3 vaccins les plus avancés ayant terminé la Phase 3 (Pfizer-BioNTech, Moderna, Astra Zeneca), excellente efficacité sur le risque d'acquisition du coronavirus diminué d'environ 90 %. Concrètement, pour le vaccin Pfizer-BioNTech, les résultats ont porté sur 170 cas de Covid-19 symptomatiques : 8 cas sont survenus dans le groupe des volontaires vaccinés contre 162 cas dans le groupe placebo ; pour le vaccin Moderna, sur 196 cas de Covid-19 symptomatiques, 11 sont survenus dans le groupe des volontaires vaccinés contre 185 cas dans le groupe placebo. Bémol pour Astra Zeneca : un sous-groupe a reçu par erreur une demi-dose suivie d'une dose complète : 90 % d'efficacité, efficacité de 62 % pour ceux qui ont reçu les 2 doses complètes, réanalyse en cours...

Le vaccin Moderna permettrait également de supprimer les formes graves, en cours de publication...

Les questions encore non résolues :

  • Durée de la protection obtenue par les vaccins ?
  • Nécessité d'une revaccination annuelle ?
  • Y aura-t-il un passeport sanitaire ?
  • Efficacité parmi des populations vulnérables non incluses dans les essais (en particulier les personnes immunodéprimées, les personnes très âgées) ?
  • Efficacité chez les enfants ?
  • Sécurité pendant la grossesse ?
  • Efficacité contre toutes les formes graves et effet sur la mortalité ?
  • Portage muqueux du virus chez les personnes vaccinées et risque de transmission ?
  • Efficacité sur les souches mutées ?
  • Quid des vaccins muqueux induisant une immunité locale ?

7/ Quelles sont les trois phases de vaccination anti-covid prévues en France ?

1 - Début Janvier 2021 : Résidents d'Ehpad et personnels à risque des Ehpad (> 65 ans ou avec comorbidités), les professionnels de santé (> 50 ans et/ou avec comorbidités).

2 - A partir de Février-Mars 2021 (déploiement de 3 vaccins) : personnes âgées (d'abord > 75 ans puis 65-75 ans, en priorisant celles avec comorbidités.

3 - Eté 2021 : 50-64 ans, en priorisant celles avec comorbidités ; les personnes de tout âge avec comorbidités ; travailleurs des secteurs « essentiels » (sécurité, éducation, alimentaire) ; personnes précaires ou personnes majeures vivant en hébergement ; autres professionnels de santé.

A ce jour il n'est pas prévu de vacciner le reste de la population qui n'est pas à risque de formes graves. A l'été 2021 la France aura sans doute vacciné 15 millions de personnes. La France disposera de cinq vaccins, Pfizer-BioNTech, Moderna, AstraZeneca, puis ceux de CureVac et de Janssen.

8/ Quelles sont les pathologies justifiant une vaccination prioritaire contre la COVID-19 ?

  • l'obésité (IMC >30 ), particulièrement chez les plus jeunes,
  • la bronchopathie chronique obstructive et l'insuffisance respiratoire,
  • l'hypertension artérielle compliquée,
  • l'insuffisance cardiaque,
  • le diabète (de type 1 et de type 2),
  • l'insuffisance rénale chronique,
  • les cancers et maladies hématologiques malignes actifs et de moins de 3 ans,
  • La transplantation d'organe solide ou de cellules souches hématopoïétiques,
  • la trisomie 21.

9/ Pourquoi les Français ne sont pas si enthousiastes ?

En Inde 95 % des habitants sont prêts à se faire vacciner contre le coronavirus, en France seule 50 % de la population souhaite se faire vacciner ! Pourquoi ces différences ?

  • Un pays riche où de nombreuses maladies infectieuses ont été éradiquées (entre autres grâce aux vaccins !).
  • Des « vaccinosceptiques » présents sur les réseaux sociaux, en raison de la méfiance vis-à-vis du profit des laboratoires pharmaceutiques, méfiance générale vis à vis du gouvernement, et certains professionnels de santé eux-mêmes sceptiques...
  • Plusieurs polémiques : vaccination ROR et autisme (pas de lien), sclérose en plaques et vaccin contre l'hépatite B dans les années 1990 (pas de lien prouvé à grande échelle, mais quelques cas sporadiques dont on ne sait pas s'ils seraient survenus de toutes façons) ; risques variés après vaccination contre papillomavirus (sclérose en plaques sans lien statistique, doute sur les maladies inflammatoires intestinales et le Guillain Barré), échec de la vaccination H1N1 à grande échelle en 2010 avec doute sur un lien avec la narcolepsie. Polémique autour de l'adjuvant (aluminium) contenu dans les vaccins DTP, hépatite B, Papillomavirus, qui pourrait être responsable de lésions musculaires durables.

10/ Où et quand ont commencé les campagnes de vaccination dans le monde ?

Chine (CoronaVac) : depuis juillet 2020, un million de vaccinés au 1/12/2020

Russie (Spoutnik V) : plus de 100 000 personnes début décembre 2020

USA et Canada (Pfizer-BioNTech, Moderna) : un million de vaccinés fin décembre 2020

Europe (1,5 milliards de doses pré-commandées après de 6 laboratoires) : UK 8/12/2020, France 27/12/2020 par vaccin Pfizer-BioNTech

11/ Combien ça coute ?

En France les vaccins seront gratuits.

Le coût (pour l'Etat) est environ de : Pfizer-BioNTech 15 euros/dose ; Astra Zeneca 2,50 euros/dose ; Moderna 30 euros/dose

12/ Et si j'ai déjà eu la Covid ?

Attendre 3 mois avant de se faire vacciner.

La sérologie et la PCR ne seront pas demandées avant la vaccination.

13/ Quel délai entre le vaccin contre la Covid et un autre vaccin ?

Minimum 14 jours.

14/ Quid des nouveaux variants ?

Variant britannique VOC 202012/01 resterait sensible aux vaccins Pfizer-BioNTech et Moderna - ils sont en train de tester l'efficacité de leurs vaccins ARN sur cette souche. En cas d'inefficacité, ces laboratoires annoncent qu'ils pourraient être corrigés en 6 semaines.

15/ Quel suivi de pharmacovigilance ?

En dehors des signes locaux légers de rougeur et douleur, la question d'une éventuelle toxicité à long terme se pose toujours, ainsi que celle des effets indésirables graves et rares qui pourraient survenir.

Suivi renforcé pour les vaccins anti-covid par l'ANSM sur la plateforme SI-Vaccination et signalement par les personnes vaccinées et par les soignants sur sante.gouv.fr.

CONCLUSION :

Une formidable avancée obtenue en une année, encore des inconnues justifiant la transparence des données de Phase 3 et 4, et le respect des gestes barrières qui devra persister en dépit de la vaccination, tant que la pandémie ne sera pas contrôlée.